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En annexe : L’œuvre sculptée de frère Faron Croulière
Abbaye Saint-Julien (Saint-Junien ?) de Nouaillé
Province de Chezal-Benoît (Vienne)
Diocèse de Poitiers
Réformé en 1618
Article en attente de rédaction
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Situation actuelle
L’ancien logis abbatial abrite, depuis 1991, la mairie de Nouaillé.
1618. D. Colomban Régnier. - 1620. Contin. | 1690. D. Claude Vidai. |
1621. D. Martin Tesnière. | 1693. D. René Drouynot (adm.). |
1622. D. Maur Tassin. | 1696. D. Jean Navieres. - 1699. Contin. prior. |
1623. D. Martin Ferrand. | 1702. D. Claude Vidai. - 1705. Contin. |
1624. D. André Béthoulaud, - 1625. Contin. | 1708. D. Michel Valeix. |
1626. D. André Béthoulaud. - 1627. Contin. | 1711. D. François Michelet (adm.). |
1628. D. Grégoire Tarisse. | 1714. D. Joseph Croisier. . |
1630. D. Maur Tassin. | 1717. D. André Gardés. - 1720. Contin. prior. [1]. |
1633. D. Bernard Pattier. - 1636. Contin. | 1723. D. Antoine Palerne. |
1639. D. Eloi Belin (adm.). | 1726. D. René Junien. - 1729. Contin. |
1642. D. Dorothée Girard. | 1733. D. Martial du Laurent. - 1736. Contin. [2]. |
1645. D. Romain Le Gault. | 1739. D. Robert Chaptard. - 1742. Contin. prior. |
1648. D. Eugène Texier (adm.). | 1745. D. Jean Midy. |
1651. D. Paul de Rivery. | 1748. D. Antoine Durand. |
1654. D. François Chévrier [3]. | 1751. D. Charles de Corval [4]. |
1657. D. Etienne Demonts [5]. | 1754. D. François Henry (adm.). |
1660. D. François de Villemonteys [6]. | 1757. D. Jean Clément. |
1663. D. André Liabeuf (adm.). | 1760. D. Jacques Delotz [7]. |
1666. D. Guillaume Sybille [8]. | 1763. D. Jean Prévost du Latz. |
1669. D. Benoît Cibèle. | 1766. D. Jos. Marie Barrot. |
1672. D. Martial Deschamps | 1769. D. Hugues Chassaing. - 1772. Contin [9]. |
1675. D. Germain Ferrand. | 1775. D. Jacques Chapuys. |
1678. D. Jacques de Nesde (adm.). | 1778. D. Jacques Brousse. - 1781. Contin. |
1681. D. Claude Vidai. | 1783. D. Jean Bapt. Deperet. |
1684. D. Laurent La Conque. - 687. Contin. prior. | 1788. D. Claude Gilbert Bertucat. |
- L’ancienne abbatiale Saint-Junien de Nouaillé-Maupertuis sur le site du Diocèse de Poitiers
- Histoire du site abbatial (site de la Mairie de Nouaillé)
L’œuvre sculptée de frère Faron Croulière à l’abbaye de Nouaillé
La très belle exposition consacrée à la sculpture en terre cuite du Maine, présentée à Paris, au Musée du Louvre, en 2002, puis l’été suivant au Mans, à l’abbaye de l’Épau, a fait connaître auprès d’un large public cette production artistique jusque-là quelque peu ignorée et délaissée. Elle a été aussi l’occasion de dresser le bilan de nos connaissances sur ces œuvres sorties pour la plupart des grands ateliers du Maine, mais aussi de l’Anjou, aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles [10] . La production des terracottistes est maintenant bien connue, notamment les œuvres en tout remarquables des Delabarre, père et fils, ou encore celles de Pierre Biardeau, dont l’activité sut s’exporter jusqu’aux provinces voisines, notamment de Touraine et du Poitou.
Nous avons évoqué ailleurs, dans une courte étude [11] , quel avait été le rôle, parfois moteur, des abbayes bénédictines dans l’essor de la sculpture en terre cuite. En effet, celles-ci passèrent des marchés souvent importants avec les terracottistes. C’est ainsi, d’après le chanoine Le Paige, que Delabarre, père et fils, auraient réalisé pour l’abbaye de Saint-Vincent du Mans, à une date inconnue, les statues du jubé ainsi que du retable du maître-autel et de l’autel de la chapelle de Saint-Laurent [12] . Ces œuvres, comme la plupart des ensembles commandités pour les monastères, ont malheureusement disparu à tout jamais.
À l’exemple de l’église du Collège des jésuites de La Flèche, du sanctuaire de Notre-Dame des Ardilliers, à Saumur, ou encore des églises des couvents des ursulines d’Angers et des visitandines du Mans, les vieilles églises abbatiales se peuplèrent, elles aussi, d’un multitude de statues. Y étaient ainsi représentés non seulement les vieux saints de l’ordre bénédictin, mais aussi les représentants modernes de la sainteté, ces grandes figures emblématiques de la Réforme catholique qu’étaient par exemple sainte Thérèse d’Avila, saint Ignace de Loyola ou encore saint François de Sales. Les programmes iconographiques élaborés par les moines, qui pour la plupart avaient entrepris la réforme de leur propre monastère, s’inscrivent dans le mouvement beaucoup plus global de la Réforme catholique. Dans cette perspective qui est celle de la reconquête des âmes, le recours à l’image, dont la légitimité a été réaffirmée au concile de Trente, représente un des moyens privilégiés de la transmission des dogmes et des mystères de la foi, que la représentation figurée donne à voir. Ainsi les moines firent-ils de leurs monastères des centres importants de renouveau à la fois spirituel et artistique. De leur côté, les artistes surent répondre aux aspirations renouvelées des fidèles et mettre leur art au service de la foi.
Les terracottistes comptèrent des émules parmi les religieux, comme le frère Faron Croulière, convers mauriste, dont deux de ses œuvres au moins sont encore conservées à l’abbaye de Nouaillé, en Poitou. C’est à l’œuvre méconnue de ce moine sculpteur que nous consacrons ces simples notules.
Un artiste méconnu
Les données biographiques sur le frère Faron Croulière sont des plus laconiques. La Matricule des bénédictins de la congrégation de Saint-Maur [13] nous apprend qu’il fit profession, comme frère convers, à l’abbaye de Saint-Faron de Meaux, le 10 février 1629, à l’âge de 36 ans. Il serait donc né vers 1593, à Sées, précise également la Matricule.
Nous ignorons entièrement où le frère Croulière apprit son art, dans quelles circonstances il a été amené à s’y adonner, ni s’il s’y employa dès son séjour à Saint-Faron. Sa présence, en revanche, est attestée à l’abbaye de la Sainte-Trinité de Vendôme, autour des années1636-1640. En effet, le « Livre des choses mémorables » de ce monastère contient des renseignements précieux sur l’activité artistique que le frère Croulière fut appelé à y exercer.
« Excellent sculpteur », note le chroniqueur, il exécuta les statues destinées à garnir les niches du retable monumental que les mauristes avaient fait ériger en 1632 et qui occupait tout le fond de l’abside et s’élevait jusqu’aux fenêtres hautes de l’église abbatiale. Il réalisa aussi les statues des autels latéraux [14] . Tel un compagnon bâtisseur de cathédrale, le frère Faron avait ensuite travaillé au grand portail dont les voussures étaient veuves de leurs statues depuis que les protestants étaient passés par là. Treize grands personnages surgirent sous les coups de son ciseau [15] . Il semble que le frère Croulière se soit employé aussi bien à la sculpture de la pierre qu’au modelage de la terre cuite, comme le laisserait supposer ce dernier chantier. À notre connaissance, aucune des œuvres du frère Faron réalisées à Vendôme n’a été conservée.
Le frère Croulière fut-il par la suite appelé à exercer ses talents artistiques dans d’autres monastères de la congrégation de Saint-Maur ? Cela est fort probable, mais nous ne possédons pas le moindre indice de son passage dans d’autres abbayes avant de le retrouver vers 1650, à Nouaillé.
L’œuvre du frère Croulière à l’abbaye de Nouaillé
L’abbaye Saint-Junien de Nouaillé, à quelques kilomètres au sud de Poitiers, fut un des berceaux de la congrégation de Saint-Maur. Les bénédictins de la congrégation lorraine de Saint-Vanne y avaient introduit la réforme, ainsi que dans quelques autres monastères français. Et l’union, en 1618, de cette poignée de monastères gagnés au renouveau de la vie claustrale devait donner naissance à une nouvelle congrégation autonome et nationale.
L’activité artistique du frère Croulière à Nouaillé est attestée de sources sûres par une chronique contemporaine de l’abbaye, intitulée Fasciculus antiquitatum Nobiliacensium, et les renseignements compilés au XVIIIe siècle par l’historien mauriste bien connu dom Léonard Fonteneau.
Ainsi apprend-on que frère Faron réalisa, avant 1651, un Christ couronné d’épines, ou Ecce Homo, accompagné de deux anges adorateurs, et des statues de la bienheureuse Vierge Marie et de saint Joseph avec l’Enfant-Jésus [16].
En 1653, il confectionna une Piéta pour la chapelle Notre-Dame de Montvinard, située dans le cimetière de la paroisse, où elle fut portée solennellement en procession le 14 avril [17].
En juillet de cette même année 1653, deux nouvelles statues de saint Hilaire et de saint Junien, dues elles aussi aux talents du frère Croulière, étaient placées dans l’église abbatiale, de chaque côté du maître-autel [18].
Deux de ces œuvres peuvent être identifiées avec certitude et sont aujourd’hui conservées dans l’église de Nouaillé. Il s’agit du Christ couronné d’épines, toujours accompagné de ses deux anges adorateurs, placé au centre de la grande armoire de la sacristie, confectionné vers 1645 et adossé aujourd’hui au mur du bras sud du transept ; et de la Piéta, qui en 1971 fut transférée de la chapelle de Montvinard dans l’ancienne église abbatiale, dans le bas côté sud de la nef. Ces deux belles statues de terre cuite polychromée ont été classées en 1941.
Une Vierge à l’Enfant, terre cuite polychromée, classée elle aussi en 1941, pourrait bien être aussi l’œuvre du frère Croulière, tout comme le grand Crucifix, classé en 1966, et aujourd’hui placé dans le sanctuaire. Ce dernier avait été érigé, le 26 mars 1652, entre le chœur des moines et la nef [19] . Rien de ne s’oppose à l’attribution de ces statues au frère Faron, mais nous n’en possédons pas la preuve absolue.
Quand aux statues de terre cuite de saint Hilaire et surtout de saint Junien, que l’on pouvait voir encore au siècle précédent, elles ont aujourd’hui étrangement disparu de l’église de Nouaillé.
Nouaillé aura été le dernier chantier du frère Faron puisqu’il y est mort le 17 janvier 1654. Dans son Histoire de la congrégation de Saint-Maur, dom Edmond Martène a retranscrit le passage d’une lettre de dom Claude Martin où celui-ci fait l’éloge du défunt. Il l’avait personnellement connu à Vendôme lorsqu’il y avait effectué son noviciat en 1641-1642. Dom Martin écrivait :
« Frère Faron Croulière était un excellent sculpteur, mais je ne l’estime pas tant pour son art que pour sa piété et sa dévotion : parce qu’encore qu’il soit naturellement sans lettres et sans connaissances, Dieu toutefois lui a communiqué tant de lumières qu’il passe sans peines 4 à 5 heures en oraison : quoique à dire vrai sa vie est une continuelle méditation, étant uni à Dieu dans les travaux, d’où vient qu’après avoir fait quelques figures de dévotion, car il n’en entreprend point d’autres, il se prosterne devant pour honorer la personne qu’elle représente [20] . »
« Ce peu qui est venu par hasard à notre connaissance et l’autorité de dom Claude Martin font regretter de n’en pas savoir davantage », commente dom Martène, qui ailleurs, dans La vie des Justes, dit, en un jeu de mots un peu lourd, toujours à propos du frère Faron Croulière : « Il était un excellent sculpteur, qui avait Dieu gravé dans son cœur [21] ».